Comportementaliste canin… c’est quoi?
Les temps ont changé depuis que l’on associait les gens du métier à des « psys pour chiens », blagues sur ces derniers et le canapé comprises. Aujourd’hui, il est de bon ton de consulter lorsque nos chiens et nous-même rencontrons tel ou tel problème. Vous avez tous, j’en suis sûre, une connaissance, un ami ou un voisin qui eut fait cette démarche il y a peu de temps. Leurs retours à la suite de cette expérience seront sûrement tantôt positifs, tantôt beaucoup moins.
Et vous de vous lancer dans la recherche d’un professionnel, et de vous retrouver après quelques pages du web, confrontés à un sérieux problème… oui mais en fait ; c’est quoi un comportementaliste ? Et surtout, que dois-je attendre de lui ?
« Professionnel dont l’activité concerne l’évaluation, l’activité de conseil, la médiation et / ou la prise en charge de désordres comportementaux exprimés par des animaux dans le contexte des interaction homme-animal ou animal-animal » (définition SFECA).
PARTIE 1 : petit glossaire (mettons de l’ordre)
Les premières distinctions à faire concernent les différentes professions (qui forment un corps de métier) du domaine canin.
Le vétérinaire (général) est un spécialiste de la médecine et de la chirurgie des animaux. Un diplôme de docteur vétérinaire lui a été décerné au terme de ses études, qui lui ont appris à soigner le corps de nos animaux.
Le vétérinaire comportementaliste possède les mêmes compétences, mais il se sera spécialisé dans le comportement animal. Le vétérinaire comportementaliste soigne donc le corps, et l’esprit de nos animaux. Par le biais de son analyse, il est en mesure : de diagnostiquer un problème ou un trouble du comportement quel que soit son origine (relationnelle, éducative, cérébrale, endocrinienne, sociale…), proposer un traitement chimique et thérapeutique, évaluer la dangerosité de l’animal présenté et intervenir comme locuteur éclairé sur différentes questions le concernant. Ses suivis se font par entretiens téléphoniques et visites en cabinet.
Le dresseur canin a pour fonction d’enseigner une tâche bien spécifique au chien : c’est le cas par exemple du chien de cinéma ou du chien de travail. Il peut intervenir également dans les clubs canins afin de former un individu à un sport canin en vue d’un concours. Sa différence fondamentale avec l’éducateur, c’est qu’il agit sur un objectif de travail précis, contrairement à l’éducateur qui intervient sur l’éducation générale de l’animal.
L’éducateur canin est le professionnel qui vous aide à éduquer votre chien. Il est en mesure de vous apprendre à lui enseigner des consignes telles que les positions (assis, couché, debout, retour pied), la marche au pied, le rappel et toutes autres commandes utiles (ne pas aller voir le chien en face, attendre devant un magasin, ne pas mordiller etc.). Un bon éducateur canin maîtrise parfaitement les processus d’apprentissages par conditionnement relatifs à nos chiens. Il doit savoir répondre aux interrogations de base relatives à la l’éducation, la santé et l’alimentation.
Ses séances se déroulent généralement à domicile, terrain privé ou en extérieur.
Le comportementaliste canin lui, a les compétences nécessaires pour identifier, expliquer et remédier à un problème de comportement rencontré qui aurait pour conséquence un mal-être (pour l’animal comme pour son propriétaire), une dangerosité réelle ou potentielle ou des nuisances pour le public comme pour l’entourage direct du chien. Sa fonction s’arrête au seul domaine comportemental (que les origines soient développementales, sociales, éducatives ou relationnelles) bien qu’il soit en mesure de différencier la nature du dysfonctionnement, lui permettant ainsi de faire le lien si besoin entre lui et le professionnel compétent (vétérinaire quel qu’il soit).
Le comportementaliste base son expertise sur les travaux de recherches scientifiques des éthologues. Ses entretiens se déroulent en cabinet ou à domicile.
L’éthologue, lui, est un scientifique qui étudie le comportement des animaux (donc de l’humain également) dans leur environnement. Les travaux des éthologues étudient et décryptent les comportements de nos chiens, leurs différentes stratégies d’adaptation dans une situation donnée comme dans l’évolution.
L’éducateur – comportementaliste canin donc, porte une « double casquette » : c’est un professionnel ayant l’expertise obligatoire pour pallier aux désordres comportementaux ayant induits une baisse de la qualité de vie ou une défaillance adaptative de l’animal, et qui de par ses aptitudes en éducation canine, associe ses compétences pour accompagner au mieux les propriétaires demandeurs dans l’application des techniques de changements, de contre-conditionnement, de désensibilisation et d’habituation relatives aux prises en charges de ces désordres. Ses entretiens et séances se déroulent à domicile et en extérieur, là où se situent les problématiques rencontrées.
Ça, c’est fait. Bien entendu, toutes ces disciplines vont de pairs et de bons professionnels se mettent en relation pour répondre au mieux aux souffrances observées. Dans les cas les plus sérieux, comportementalistes-éducateur, vétérinaires spécialisés dont vétérinaires comportementalistes travaillent ensembles pour des résultats optimums.
Par exemple, un chien de 5 ans qui manifeste soudainement des comportements agressifs envers les enfants de la famille – qu’il aura pourtant toujours bien toléré – sera peut-être en proie à une douleur physique. Le comportementaliste consulté renverra vers le vétérinaire traitant qui lui, renverra potentiellement vers un vétérinaire spécialiste une fois la douleur localisée.
A contrario, un vétérinaire peut vous envoyer vers un éducateur lorsqu’il vous sent en difficulté lors d’une visite de routine ; ou un vétérinaire comportementaliste peut vous renvoyer vers un éducateur-comportementaliste lorsque après analyse, l’accompagnement à prévoir s’avèrera délicat.
Un éducateur peut, au cours de ses séances, s’apercevoir de difficultés d’apprentissages que rencontreraient le duo humain-chien et renvoyer ce dernier vers un éducateur-comportementaliste, apte à résoudre ces situations.
Seuls le dresseur et l’éthologue font cas à part dans notre liste : le dresseur pour ses compétences spécifiques généralement inexploitées pour le chien de famille ; et l’éthologue lui… n’est jamais consulté par le propriétaire (ce n’est pas là son travail), mais leurs travaux le sont par les comportementalistes, vétérinaires comportementalistes et éducateurs-comportementalistes eux-mêmes sur lesquels leurs approches et connaissances sont directement basées.
Dans les cas les plus sérieux, comportementalistes-éducateur, vétérinaires spécialisés dont vétérinaires comportementalistes travaillent ensembles pour des résultats optimums.
PARTIE 2 : Educateur-comportementaliste canin, comment choisir ?
Métier en plein essor et peu encadré (lire l’article « Label SFECA »), il est souvent très compliqué de choisir son professionnel. Je pense, comme toujours, que la clé se trouve dans le savoir…
1ère étape (et non des moindres) : L’Évaluation, l’étape clé
Que votre chien saccage votre intérieur dès lors que vous passez la porte de chez vous, qu’il n’arrive pas à faire ses besoins ailleurs que dans votre jardin, qu’il soit intenable lorsqu’il croise des congénères, que « simplement », il n’écoute jamais rien de ce que vous lui dites ou que vous anticipiez les mois à venir avec votre petit chiot, la première étape avec un comportementaliste (seul/éducateur et même vétérinaire) est cette fameuse évaluation.
Elle est indispensable car c’est elle qui va nous permettre d’élaborer des conclusions – et sans informations claires et suffisantes – pas de conclusions si ce n’est des conclusions hâtives !
Généralement, cet entretien dure 2 heures, parfois plus, et dans certains cas légèrement moins. Durant ce laps de temps, vous et le professionnel consulté œuvrerez pour rassembler les informations nécessaires à son analyse.
Ces informations concernent le développement du chien (tout ce que nous connaissons ou pouvons déduire de ses premiers mois de vie), son environnement direct et indirect, sa personnalité et son état émotionnel (caractère héréditaire de ses comportements et influence de son environnement) , ses comportements (tout l’éthogramme* de votre chien), ses facultés cognitives (facultés à se concentrer, à apprendre, à communiquer, à percevoir son environnement, à jauger une situation et s’y adapter par exemple) etc.
Ses observations répondent également aux questions relatives à la nature du lien qui existe entre le propriétaire et son chien, la vision qu’il se fait de ce dernier ainsi que les attentes, freins et idées reçues qui subsides chez lui ainsi que les stratégies qui ont été essayées ou mises en place avec ou sans succès avant la consultation (vous êtes nombreux à avoir auparavant essuyés plusieurs échecs !).
*Ethogramme : liste des comportements propres à une espèce (comportements programmés, innés).
Toutes ces informations sont relevées par questionnaires, divers tests et mises en situations et observations directes du chien (la présence de votre compagnon à poil est donc indispensable), du ou des demandeurs et de l’environnement dans lequel tous deux (ou le foyer complet) évoluent.
C’est l’ensemble de ces éléments qui vont amener le professionnel compétent à répondre à la fameuse question que chacun se pose (« Pourquoi mon chien fait-il cela ? »), et élaborer le plan d’action qui permettra au demandeur d’accéder à l’apaisement tant espéré.
La première étape avec un comportementaliste (seul/éducateur et vétérinaire) est cette fameuse évaluation.
Prenons un exemple. Votre chien de 2 ans est très agréable d’une façon générale, mais les balades tournent au cauchemar dès lors qu’il croise un congénère : il tire sur sa laisse jusqu’à se cabrer antérieur levés, il aboie, grogne s’agite… bref, il se transforme en « bête sauvage » et vous n’avez sur lui aucun contrôle jusqu’à disparition de l’individu.
Ce cas de figure, très répandu, peut s’expliquer de bien des façons et avoir des origines très différentes.
Or ces éclaircissements auront un impact évidemment conséquent sur la prise en charge et c’est au cours de l’évaluation que nous déterminerons le « Pourquoi » (= qu’est-ce qui le pousse à agir ainsi ? (Une émotion négative, une frustration, une instrumentalisation… ? etc.)) et le « Comment » (= comment en sommes-nous arrivés là ? (Une mauvaise socialisation, une mauvaise expérience, un défaut d’apprentissage … ? etc.)).
D’un cas à un autre donc, les réponses divergeront : nul n’est identique et un comportement agressif peut être interprété de milles façons.
Ce qui ne changera pas dans un tel cas, c’est la nécessité de l’Accompagnement ; celui qui, étape par étape, nous amènera à l’atteinte de l’Objectif. Car quelle que soit la réponse (le « pourquoi » et le « comment »), l’objectif sera le même : « Pouvoir se balader sereinement avec son compagnon à poil sans avoir à se préoccuper d’éventuelles rencontres ».
2ème étape : un Objectif réaliste.
Une fois le bilan réalisé, le comportementaliste et le demandeur s’accordent sur un objectif réalisable à atteindre.
Dans notre exemple et selon le constat post-évaluation ; il pourra être décidé d’atteindre un objectif maximum: comme « plus d’agressivité** en balade, chien sociable avec ou sans laisse » ; ou un objectif plus tempéré comme « plus d’agressions** en laisse en balade, mais chien peu sociable ».
**Attention = l’Agression fait partie intégrante de l’espèce canine, comme elle l’est chez chaque espèce, y compris chez l’homme. Tout chien produit ou peut produire des agressions, que cela soit en réponse à un état émotionnel passager, un sentiment d’insécurité, la défense du territoire… Sans agression, pas de protection. Dans notre exemple, nous parlons de l’Agressivité de l’individu ou sa propension à produire des agressions dans un contexte donné et surtout dans un contexte inadapté (le congénère croisé ne vient pas jusqu’à lui, il n’est pas menaçant et aucune communication n’est engagé (le chien réagit identiquement quelles que soient les propositions du congénère et il n’attend ni ne s’adapte au discours de ce dernier)).
A ce stade, il est primordial de préciser que si le demandeur n’est pas engagé dans l’idée même du changement, il sera alors très difficile pour le professionnel de l’y emmener : la décision de ce changement appartient uniquement au propriétaire, sans qui son chien ne saura faire autrement (jusqu’à présent, aucun chien n’est venu de lui-même jusqu’à moi ni vers mes confrères !) !
La signature du contrat entre un comportementaliste et le demandeur atteste de la bonne volonté des protagonistes : le professionnel par son transfert de compétence, de tout mettre en œuvre pour atteindre leurs buts ; et le propriétaire de s’appliquer à adopter et répéter les conseils, consignes et exercices du comportementaliste.
Des qualités requises
Un bon professionnel a conscience que la démarche n’est pas toujours évidente pour le propriétaire. Culpabilisés, les demandeurs ont parfois le sentiment d’inviter chez eux une sorte de jury auprès de qui ils auront à justifier de leur comportement comme celui de leur compagnon bien-aimé. Or il n’en est rien je vous rassure ! Une consultation comportementale n’est pas une cour d’assise, ni un abattoir. Aucune psychanalyse de qui que ce soit n’est engagée : cela n’est pas là notre métier.
De même, de nombreux demandeurs viennent en consultation découragés et sans convictions : à la suite de de trop nombreux échecs, ils sont persuadés qu’il n’y a plus rien à faire. Et j’affirme ici que SI, dans la majeure partie des cas, un changement est possible.
Un bon comportementaliste sera toujours à l’écoute, et bienveillant ; ses propos seront toujours sans jugement. S’il doit soulever des dysfonctionnements dans la relation ou la prise en charge, il ne le fait que par nécessité de changement, non de culpabilisation.
Enfin, il se doit d’être honnête, et vous informer des réalités liées à son métier. Parfois les accompagnements qui mènent à la solution sont long, laborieux ou aléatoires. Parfois la solution n’est pas une solution, mais une amélioration, plus ou moins nette.
Une consultation n’est pas une cour d’assise, ni un abattoir […]. Un bon comportementaliste sera toujours à l’écoute, et bienveillant. Ses propos seront toujours sans jugement.
3ème étape : l’Accompagnement ou la clé du succès
En effet, chaque évaluation se solde par une invitation au changement. Parfois, une simple explication et donc une simple directive sera suffisante pour que tout revienne au calme. Mais bien souvent, les objectifs à atteindre nécessitent d’adhérer à une multitude de petits changements, qui peuvent parfois, lorsque l’on se retrouve seul à devoir les appliquer, mettre à mal notre motivation ou notre compréhension.
Un suivi régulier, dans un contexte permettant l’observation comme la démonstration, vous assure d’un résultat optimal.
C’est en fonction de ses constatations et de ou des objectifs fixés que le comportementaliste consulté évaluera le nombre de séances et le temps estimé nécessaire à leurs atteintes. Aucune méthode ne permet de résoudre des difficultés comme celles dans notre exemple en 2hoo, et l’éthique veut que chaque comportementaliste bienséant ne vous vende le contraire.
Personnellement, je suis fière d’assurer le suivi post-accompagnement de certains de mes clients depuis des années, preuve d’une relation de confiance efficace.
En plus des stratégies de changements, il nous faut parfois envisager un cursus d’éducation pour permettre même d’envisager la rééducation. Maitriser le fonctionnement de votre chien et communiquer de façon effective est souvent primordial pour vous montrer efficace dans votre démarche. L’association de ces outils est parfois indispensable et extrêmement profitable lorsqu’elle est parfaitement mise en place.
Un autre exemple. J’ai eu récemment l’appel d’une dame qui me contactait pour sa mère. Le chien de cette dernière sautait sur elle et tout humain en permanence, et à l’âge de 18 mois madame et son époux n’arrivaient pas à bout de ce comportement. Cette dame me disait qu’ils recherchaient un professionnel qui pourrait les aider, mais qu’elle ne voulait pas d’un accompagnement. Elle enchainait en m’expliquant qu’ils ne comprenait pas la démarche (peut-être se sentait-elle abusée ?); qu’ils ne souhaitaient pas faire de ce chien un « chien parfait » : ils voulaient « juste » qu’il cesse de sauter systématiquement avec tant de vigueur.
Je lui ai répondu que peut-être ne faudrait-il qu’une séance, que nous le verrions à l’évaluation mais que je doutais que cela soit le cas.
Qu’en effet, si ce chien n’a manifesté aucune progression positive sur ce comportement et ce malgré la motivation de ses humains, c’est probablement que les stratégies jusque-là essayées n’ont pas abouties au résultat escompté ; soit ne plus sauter. Que probablement donc, nous aurions à enseigner à ses parents à lui communiquer leur désaccord avec efficacité certes, mais qu’il serait tout à fait possible que ce chien ne sache pas faire autrement : il nous faudrait alors lui apprendre, progressivement et au biais d’exercices variés, à faire preuve d’une plus grande maitrise de lui-même lorsqu’il ressent une émotion forte. Que peut-être lui demande -t-on de passer son BAC, alors qu’il n’a pas obtenu son Brevet…
Il est facile de se focaliser sur des comportements gênants, comme il est facile (et humain !) d’oublier que nos compagnons sont eux-mêmes des créatures sensibles, et complexes. Nous avons tendance à nous accrocher à une image que nous nous faisons de nos chiens avant même de les adopter, sans réellement nous interroger sur la difficulté qu’ils peuvent parfois ressentir à atteindre (ou tenter d’atteindre) les résultats que nous attendons d’eux.
Une société différente, des attentes différentes, une communication différente… des intérêts et des objectifs diffèrent entre notre monde et le leur. Imaginez-vous expatriés seul à l’âge de 12 ans dans un pays à la langue et aux mœurs étrangères… n’éprouveriez-vous pas, vous aussi, quelques heurts à vous intégrer ?
Il n’est donc pas rare que nous ayons, pour de « simples » demandes, nécessité à engager un processus d’apprentissage plus global. Que ce soit pour le chien… ou pour ses humains ! Et comme dit le proverbe… « Rome ne s’est pas faite en un jour » !
PARTIE 3 : CONCLUSION
Comportementaliste animalier est un métier en plein essor, parce que les connaissances à leurs sujets le sont.
Encore trop peu d’encadrement (lire l’article « Label SFECA »)rendent la recherche compliquée pour vous.
Prenez le temps. D’y retrouver tous ces points en premier lieu : une connaissance théorique solide, une expérience pratique. De la bienveillance, de la modération, de la transparence dans les propos. Une évaluation sérieuse et minutieuse, un accompagnement complet et personnalisé.
Enfin et pour conclure, le bon comportementaliste canin, c’est celui en qui vous aurez confiance. Celui qui fait son métier avec passion, n’oubliant pas ce pour quoi il a été appelé : rétablir l’équilibre entre vous et votre chien et à votre chien par votre biais.
A bientôt pour un nouvel article !