Mythe et réalité sur le choix d’une race, ou comment biologie et activité sont trop souvent oubliés…
On voit sur internet des centaines de « top 5 » et « top 10 » des meilleurs races de chiens « pour la famille ». Labrador bien sur, Bulldog, Carlin … et autant de races différentes selon les auteurs des différentes listes.
Et pour accompagner ces images d’Épinal de ces chiens merveilleux, on lit des phrases typiques du genre « le Border Collie aime les enfants et le lui rendent bien ; hyperactif, il leur ressemble pour le bonheur de chacun ».
Au final et après un petit tour du net, toutes les races sont merveilleuses et faites pour vivre avec les enfants, avec vous, bref, comme vous le souhaitez. Mais qu’en est il vraiment ? Est-il possible – même logique – qu’autant de races si différentes permettent un résultat systématiquement propice à seul mode de vie?
La raison voudrait pourtant qu’un chien musclé soit forcément de nature sportive, qu’un autre très élancé soit fait pour courir, et ainsi de suite… Mais, comme dit le proverbe; « le cœur a ses raisons que la raison ignore » et en matière d’adoption, le fameux coup de cœur prend bien souvent le pas sur la raison, nous rendant alors sourds aux avertissements en inadéquation avec nos rêves, nos projections. Et pourtant, le bon sens serai de nous poser – avant chaque projet d’acquisition – une seule et même question…
« Quel est le travail de ce chien? »
Si la domestication du loup fut un processus très long et compliqué – sujet que nous développerons ultérieurement – la sélection du chien en toutes les races que nous connaissons elle, n’est pas si ancienne pour la plupart d’entre elles. Pourtant, l’une comme l’autre se caractérisent par de nombreux changements comportementaux et morphologiques, liés à notre propre évolution pour la première, et à nos propres désirs pour la seconde.
Dès l’antiquité,l’homme sélectionnera diverse aptitudes chez le chien afin qu’il l’aide dans ses activités de chasse notamment, mais probablement aussi dans des combats, la traction de traineaux, et toute autre activité qui lui aurait été profitable. Petit à petit et de façon plus catégorisée jusqu’à l’apparition des standards officiels, des centaines de races ont pointé le bout de leur truffe, toutes plus spécialisées les unes que les autres. La sélection en a fait des gardiens plus ou moins pro-actifs, des chasseurs pour différentes tâches, des bergers pour tel ou tel type de bétail… jusqu’à ce jour, où rien n’a changé.
Car l’expression de la génétique de nos chiens n’est pas effaçable, elle est incompressible. Et, en fonction de l’usage pour lequel nous avons travaillé à l’aboutissement de chaque race de chien, nous avons cherché (et réussi dans l’ensemble), à accentuer (hypertrophier) ou diminuer (atrophier) telle ou telle caractéristique – ou plus précisément tel ou tel patron-moteur – à l’origine de ces aptitudes.
Un patron-moteur, c’est l’une des nombreuses actions qui, mises bout à bout, compose un comportement. Un patron-moteur est totalement intrinsèque; génétique. Il est donc permanent, inéluctable, il ne réclame aucun apprentissage. C’est sur cette base que la sélection repose: sur l’existence et l’intensité de tel, ou tel patron-moteur.
Par exemple, les chiens courants, de garde, de combat mais également des terriers (comme le Jack Russel) ont été sélectionné sur une hypertrophie (augmentation anormale) du patron-moteur « morsure pour tuer » ; c’est ainsi que nous les avons voulu dans des objectifs bien spécifiques: l’un pour attraper la proie et ne plus la lâcher, l’autre pour défendre avec ardeur un lieu ou une personne. La probabilité d’expression en terme de régularité et d’intensité est donc plus élevé que pour une race dont on aura dirigé la sélection vers une atrophie de ce patron-moteur.
Si, en connaissance de cause, nous choisissons l’une de ces races, il faudra donc le prendre en compte et agir en conséquence.
Attention, cela ne signifie pas que tous les Jack Russel ont le patron-moteur « mordre pour tuer » de forte intensité en terme de régularité et d’intensité. Un patron-moteur est variable selon l’espèce (le chien), la race (le Jack Russel), mais aussi de l’individu (Jack, le Jack Russel). Cela signifie donc par défaut qu’un sujet d’une des race concernée peut très bien exprimer ce patron-moteur, ou en être incapable. Cependant statistiquement, ils seront plus nombreux à le pouvoir parmi les races dont on à volontairement hypertrophié le-dit patron-moteur que parmi celles chez qui l’on a cherché à l’atrophier.
Et j’ai pris là un exemple particulier de patron-moteur, effrayant mais naturel dans une séquence de chasse, mais nous retrouverons également « fixer un objet« , « pointer de la patte« , « poursuivre un objet mobile« , »immobiliser un étranger » etc.
Pour avoir une idée de la génétique du sujet que l’on souhaite adopter, il est donc fort intéressant de se tourner vers ses ascendants. Quand bien même la génétique ne fait pas tout, il y a fort à parier que si les parents du bébé Jack passent deux heures par jour à courser les vélos et autres engins à roulettes, leur progéniture aura le patron-moteur « poursuivre » de forte intensité. Ou si, dans son Pedigree, chacun de ses ascendants a excellé toute son existence dans le rassemblement du troupeau, votre Border Collie présente tous les risques, sans la chance d’exprimer sa génétique, de s’en prendre aux pneus des voitures en marche.
Pour autant et dans ce cas, si votre choix est arrêté, vous offrirez à Jack la possibilité de poursuivre quelque chose (une balle par exemple) deux heures par jour, tous les jours de sa vie. Ou vous ferez pratiquer à votre Border l’art du troupeau dans une structure adaptée, une à deux fois par semaine, tout en le gardant en laisse à l’arrivée des voitures.
Et si l’expression de ces patrons-moteurs réclament une intensité supérieure encore… eh bien, vous pourrez toujours arrêter de travailler !
Car eh oui messieurs, mesdames, il en est de même pour l’Activité.
Le besoin d’activité est une caractéristique biologique, déterminé génétiquement. Comme les patrons-moteurs, ce besoin est incompressible, propre à l’espèce, la race et l’individu.
Le besoin d’activité de l’espèce est en moyenne de 3 à 5 heures d’activité par jour. C’est une moyenne : certains se contenteront de 2 heures quotidiennes, tandis que d’autres auront besoin de 12 heures, ou plus.
C’est un problème épidémique : le manque d’activité est responsable de la plupart des comportements gênants (destructions, aboiements intempestifs, fugues…), et de nombreux troubles du comportement.
En réalité, plus de 80 % des chiens souffrent de cette maltraitance passive qu’est le manque d’activité, souvent sans même que les propriétaires ne s’en rendent compte.
Si un Yorkshire Terrier se contentera de peu, ne doutez pas un seul instant que le fameux Border Collie exigera – biologiquement – pas moins de 4 heures, strict minimum, d’activité journalière (la tendance naturelle allant bien plus au double). Si vous le choisissez d’une lignée de travail, c’est le triple qui vous attend.
Comme dit plus haut, vous devrez aussi satisfaire les patrons-moteurs pour lesquels il à été sélectionné ; poursuivre, garder… bref, travailler.
En somme, point de Border Collie adorable en famille sans activité intensive et travail structurant ! Sans cela, c’est plus un Border hyperactif, aboyeur, destructeur et toqué qui vous attend…la majeure partie du temps.
« le Border Collie aime les enfants et le lui rendent bien ; hyperactif*, il leur ressemble pour le bonheur de chacun ».
*A présent vous comprenez probablement pourquoi ^^
Alors, « aimer les enfants », est-ce un patron-moteur?
« Aimer les enfants« , ce n’est pas une action. C’est un apprentissage! Être sympathique, tolérant, bienveillant et intéressé par nos chérubins relève de la sociabilité, la socialisation et le niveau d’auto-contrôle de nos compagnons – pas de la génétique.
Quelles sont, en pratique, les questions essentielles au sujet du choix d’une race ?
En somme, quatre questions essentielles devraient motiver vos choix:
-Pour quelle tâche cette race a-t-elle été créée ?
-Quel est son besoin biologique d’activité ?
-Quel est celui des ascendants du chiot qui m’intéressent?
-SUIS JE PRÊT, ET CAPABLE, DE LE LUI APPORTER ?
Qu’appelle-t-on « Activité »?
Ces 2 à 12 heures évoquées d’activité ne signifient pas forcément 2 à 12 heures de course effréné, bien au contraire. Voici de quoi se compose le besoin biologique d’activité, chacune variant selon les besoins de la race, et de l’individu.
–Bouger: courir, marcher…
–Jouer : avec mes humains, avec ma balle, avec mes congénères…
–Mâcher : un os, ma balle…
–Interagir : avec mes congénères (et aussi mes humains)
–Parler, chanter, crier… bref, user de mes cordes vocales
–Agresser : je suis un chien et j’adore me disputer, c’est dans ma nature. Dans le bon contexte cela n’a rien de grave !
–Draguer, séduire, parader, prendre rencard… 😉
–Réfléchir ! Je suis doté d’intelligence, laissez moi m’en servir !
–Chasser : poursuivre, guetter, attraper… les balles, les lapins, les joggers !
Le saviez-vous?
L’activité intellectuelle est bien plus fatigante (au moins dix fois) que l’activité locomotrice, elle même plus fatigante que l’activité vocale ? Pensez-y !
Je peux:
–L’éduquer
-L’emmener le plus souvent possible pratiquer un sport dans son domaine de compétence (pistage, agility etc.)
-Lui apprendre des tricks (apporte mes chaussons, range tes jouets etc)
-Jouer à cache-cache, et bien plus encore!
A lire : « Des petits trous…Pourquoi mon chien creuse dans mon jardin? »
Sources: J.Dehasse « tout sur la psychologie du chien », Yves LIGNEREUX « des origines du chien »