De la nécessité du Lien – Réveillez-vous!
On veut un chien pour ses enfants, pour les câlins, parce qu’il fait partie de l’image que nous nous faisons du bonheur et de la famille… On rêve de le voir courir dans le jardin, nous accompagner lors de futurs pique-nique estivaux, s’endormir blotti contre lui le soir, devant la télé… Parfois, c’est vrai, ce seul tableau est fonctionnel. Parfois on tombe sur la perle, Maxou, le chien adorable, facile, se pliant sans difficulté à nos bonnes volontés et la vie est … parfaite.
Pourtant, 68 % des morsures ont lieu dans une habitation.
Ces 68 % de morsures sont dirigées vers un membre de cette famille (vous), ou un proche bien connu du chien (le petit Maël, votre neveu de 10 ans). Nous sommes bien loin de la défense du chien contre le cambrioleur, ou tout autre étranger malfaisant.
Alors, ça veut dire quoi ?
Que le choix de la race que nous faisons est rarement adapté, oui. Nous l’avons déjà abordé dans cet article et celui-ci. Que les enfants ne sont pas aptes, trop jeunes, à déceler les demandes d’arrêts du chien, oui, sans aucun doute.
Cela signifie également – d’une façon globale et c’est de ceci dont nous parlons aujourd’hui – que bien souvent (trop souvent), nous ne prenons pas en considération l’ampleur de la nécessité du Lien – d’un sincère, symétrique et du coup indestructible Lien.
Nous avons gardé en tête l’image du chien de nos parents ou grands-parents gambadant dans sa ferme, et nous imaginons que gîte et couvert suffisent à nos compagnons. Quelques caresses et mots doux, un bout de fromage ou de jambon à la fin du repas que nous conservons juste pour lui (il aime tellement le jambon), et nous voilà persuadés que loulou est aux anges, et cela nous va bien.
Pourtant à l’inverse, nous ne nous contentons pas que nos compagnons (humains j’entends) nous fassent à diner. Nous ne nous contentons pas qu’ils nous grattouillent derrière l’oreille lorsque nous sommes restés « sages », immobiles. D’ailleurs, nous ne restons jamais immobile. Nous voulons d’eux qu’ils nous comprennent, qu’ils nous respectent, qu’ils partagent avec nous un tas de choses et d’activité que nous aimons, nous. Nous attendons d’eux qu’ils soient présents – tantôt acteurs, tantôt en soutien – de l’évolution de ce que nous sommes et de ce que nous voulons faire. Et c’est grâce à cela – à cet altruisme réfléchi – que nous bâtissons l’avenir, un foyer, des projets… Nous le faisons pour nos conjoints, pour nos enfants, nos amis, notre famille… et nous passons à côté de la bilatéralité du lien dès que cela concerne nos chiens.
Des études ont révélé que les femmes ont plus tendance à vouloir un chien pour le rôle social et sentimental que celui-ci apportera à sa vie, et les hommes pour les activités et la compagnie de celui-ci. A quand l’adoption pour la découverte d’une autre espèce, et des bienfaits d’une relation mutualiste?
Un lien immédiat ?
Lorsqu’il arrive à la maison, du haut de ses deux mois, notre compagnon n’a cure des humains. L’homme est au mieux un bon mécène, au pire un danger et dans les deux cas il reste un « autre », un étranger avec qui il cohabite plus ou moins. Même dans les meilleures conditions d’élevage (professionnel ou familial), qui lui aurai permis une familiarisation à l’homme optimale, le chiot ne créé aucun Lien avec les humains qui l’entoure. Sa préférence va à sa fratrie, aux siens. Ses références vont à maman, papa, l’oncle Jerry du box à côté, et toute sa bande de frangins et frangines.
Vous, et vous seuls êtes responsable de la suite. De ce fameux Lien que vous allez construire, ou ne pas construire. De sa qualité, sa richesse – pour maintenant et tout au long de sa vie. On vous a dit – et nous avons abordé de façon assez large le sujet de l’attachement ici – que pour survire et apprendre, petit chiot créé un « second » (post-maman) lien d’attachement avec vous. Mais si ce processus est essentiel au chiot de 2 mois retiré à sa mère – pour se rassurer, pour affronter l’univers – ce lien si facilement acquis au démarrage ne subsistera pas dans le temps sans rien faire.
Les chiots grandissent, s’éloignent naturellement (voir la partie sur le détachement dans l’article en lien précédent) et commencent à faire des bêtises que l’entourage et l’extérieur n’apprécient plus. Un bébé qui saute sur vous dans la rue, c’est a-do-rable. Un grand loulou de 25 kilos, c’est beaucoup moins adorable. Alors, on s’énerve, on l’attache, on ne le sort plus, on l’exclu dans le jardin ou le garage.
Progressivement et à mesure que s’intensifie la frustration du chien (de ne plus se balader ou de moins se balader, d’avoir toujours cette maudite laisse, d’être isolé…) s’intensifient à la fois les mauvais comportements et votre déception, votre colère, votre fatigue et autres émotions négatives qui pèsent sur la qualité du lien.
Le fossé se creuse, encore et encore… oui mais pourquoi agit-il ainsi ? Pourquoi n’écoute-t-il pas ? Tout serai plus simple ! Et en plus il est chéri, pourquoi ne m’aime-t-il pas ? Ne peut-il pas être plus reconnaissant de tout ce que je lui apporte?
Un animal social
Le chien – votre chien – est un animal social. Tout comme vous, il aime partager, jouer, échanger ; il aime être compris et respecté. Il est bien loin du chat solitaire, ou de la paisible vache. Il veut compter pour vous et surtout sur vous. Il réclame bien plus que panière confortable (la plupart du temps il s’en fout) ou petits dés de fromage (il mangerai les selles du chat !). Point besoin de clôture lorsqu’on a le Lien ; il n’y a de fugueurs que chez les chiens qui s’ennuient, et désespèrent de voir venir le temps pour lui.
Oui, mais « il n’écoute pas » ! La réponse à la grande question la voici:
Mais pourquoi écouterai-t-il ? et déjà, comprend-il ?
Un peu de cohérence et de technique est nécessaire pour éduquer un chien : il ne suffit pas de commander « assis » pour qu’il s’assoit, ni « tu te calme », pour qu’il se calme. Il ne suffit pas de le vouloir pour qu’il ne lèche pas le visage du petit dernier, ou qu’il ne mette pas son nez en plein dans les fesses des invités – après tout, cela n’a rien d’anormal pour lui.
Il ne suffit pas de dire, de vouloir … ni d’aimer. Ah, si l’amour suffisait ! Suffit-il dans votre couple ? Suffit-il à vos enfants ?! Mon conjoint prend soin de moi, et nous prenons soin de nos enfants. Nous apportons à l’un le soutien et aux autres … l’éducation. Nous les inscrivons à l’école, leur apprenons à se conduire, les poussons dans les voies qui leur ressemblent et les épanouissent. Un parent absent, violent ou injuste est aimé, oui, mais pas spécialement respecté, et encore moins obéi. Pourquoi le serait-il ?
Votre chien est pareil. Arraché à sa famille, aux siens qu’il comprend et qui le comprenne, il n’a que vous pour s’adapter. Il n’est pas réfractaire à bien se comporter! Votre chien soit n’a pas compris (l’explication n’était pas claire), soit n’a pas voulu (la demande était incongrue, injuste ou injustifiée).
Que dois-je faire ?
Commencez donc par l’observer. Il est anormal de constater le peu de gens qui regardent leur chien. Prenez cette scénette classique que l’on croise souvent en ville : une dame promène, laisse en main trainant à son crochet un chien tétanisé par l’extérieur, freinant des quatre fers tantôt pour vite rentrer dans le seul univers qu’il connait (maison), tantôt pour expulser son trop plein de stress via des besoins dégoulinants… madame ne voit rien, ne sent rien, n’écoute rien. Elle continue son chemin coûte que coûte et vaille que vaille. Chacun pour soi.
Votre chien vous parle, écoutez-le – et ce sans faire le tri. Tout chien aime jouer, se bagarrer, se rouler dans la boue avec les copains, tout chien aime renifler les fesses de son voisin, expérimenter, courir à pleine balle dans la forêt. Un chien aime réfléchir, se mettre au défi… et tout ça… accompagné. Le mot-clé, c’est le partage. Votre chien lui, vit dans le présent. Il n’est pas nostalgique d’hier, il ne fait pas des plans sur la comète… il n’est pas parasité par internet, le téléphone, la télé, le travail, les enfants… il attend. Il attend que vous partagiez.
Dormir, fuguer, comater 20 heures par jour, refuser les échanges avec ses semblables, courir bêtement après une balle 10 minutes par jour et rentrer, tout ceci n’est pas normal.
En promenade (quotidienne, et pas juste « sanitaire »), parlez à votre chien. Intéressez-vous à ce qui l’intéresse, proposez-lui des jeux intelligents qui mettent à profit tout son potentiel. Permettez lui d’apprendre, d’être fier de lui. Offrez-lui une existence riche, palpitante, une existence où vous seriez tout deux complices. Sainement, sans dépendance douloureuse. Devenez son repère, pas sa cachette. Devenez le portail, celui qui lui fait tant envie.
Le Lien se brise, mais se répare. Il n’est jamais trop tard : il n’attend plus que vous. Sortez votre ‘ti loup de son sommeil sans fin, le temps de laisser passer le temps est révolu. Rappelez-le de là où il se trouve, et rejoignez-le.
Point besoin de l’humaniser, votre Chien est un Chien et c’est cela qui est merveilleux.
Bonne réflexion!
Sources : « Séquelles consécutives aux morsures de chien », rapport d’enquête de l’Invs. « Comportement clinique et thérapeutique », I.Viera. « La relation affective entre le propriétaire et son chien et les conséquences pour le vétérinaire comportementaliste dans la prise en charge des troubles du comportement », thèse par E.Vincent