Le Berger Allemand, star du travail
Groupe : 1 section 1 « chiens de Berger avec épreuve de travail»
Nombre d’inscrits au LOF en 2015 : 11373
Particularité : Beauté sublime, star du travail.
Réservé à : Maîtres expérimentés.
Inconditionnel du chien d’utilité, le Berger Allemand, s’il n’est plus tant croisé en ville qu’en campagne, reste et restera longtemps le numéro 1 de sa catégorie. Chien de travail par excellence, il engendre à tort et à raison une peur commune… reste de ses années de (non) gloire.
Un chien de famille ?
S’il est (et restera) le plus polyvalent, le Berger Allemand subit finalement le même état que la femme moderne. Grâce à ses qualités exceptionnelles, le B.A de son petit nom, fut d’abord berger, puis soldat, policier, pompier, guide d’aveugle… professionnel de la recherche de stupéfiant et d’explosif, des personnes ensevelies sous les décombres, professionnel de la défense et de l’attaque, gardien hors pairs… son palmarès impressionnant en ferai presque rougir ses jeunes cousins à la page les Bergers Belges Malinois.
Travailleur depuis sa « création » en 1899 (standard officiel définitif depuis 1991) , de manière professionnelle ou juste pour le sport, le Berger Allemand en garde toutes les qualités, comme les contraintes. Et pourtant, l’homme a voulu exploiter sa polyvalence d’avantage encore – sûrement séduit pas sa morphologie très proche du loup – en ajoutant au CV de notre B.A le job de nounou, de peluche, bref; de chien de famille. Tellement que les années 80 furent submergées par ce chien qui devint alors extrêmement répandu dans les maisons (et les jardins), des foyers de France.
Non sans mal, nous avons imposé à ce chien au fort tempérament et à la génétique faite pour la garde, les qualités essentielles au pépère familial; lui demandant d’être tantôt défenseur (lors des absences), tantôt baby-sitter. Or, et nous l’avons vu précédemment dans cet article, ce genre de transposition est …très peu recommandé, et toujours risqué.
Que les choses soient claires: cela ne signifie en rien que des centaines, voir des milliers de gentils B.A n’auront pas su relever le défi. Cela signifie par contre que le même nombre auront eu à lutter contre leur nature profonde, avec plus ou moins de réussite pour chacun. Qui plus est, il y a grande différence entre être un chien sage, et être un chien épanoui. De la même façon qu’il y a une grande différence entre être un humain réservé et poli, et être un humain épanoui. Mille et un B.A sont probablement équilibrés et bien intégrés dans leur rôle de chien de famille, mais ses qualités hors pairs de gardien (= réactif, méfiant envers les étrangers, défenseur) sont à l’extrême opposé de celles attendues chez le loulou familial (= avenant, patient, peu réactif et adaptable).
Ces attentes inconsidérées sont fort probablement la cause de la malédiction du Berger Allemand. Combien êtes-vous – vous ou l’un de vos proches – à vous êtes fait mordre, enfant, par le Berger Allemand d’un proche?
Ex « Labrador » des eighties, popularisé par Rintintin et Mabrouk (30 millions d’amis), des milliers de français – comme à chaque nouvelle tendance – ont acheté des B.A de lignées beautés très instables, à la personnalité imprévisible.
Le résultat, c’est un ami B.A indétrônable, depuis ces vingts dernières années, au panthéon du chien le plus mordeur. Le rapport d’enquête de InVS (Institut de Veille Sanitaire), à publié en 2015 un classement des races les plus mordeuses*. Sans surprise – trop de sujets dans des conditions trop inadaptées – notre ami B.A prend la tête avec 10 % des morsures. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’il est suivi de très près par l’ami Labrador (dont je prend le phénomène pour exemple ici) avec 9% des morsures; Labrador subissant les même contraintes que l’étiquette de « chien gentil » impose à son possesseur. Sur les 43 décès par morsures de chien recensés depuis 1984 (dont 7 sont le fait de chiens dont la race est inconnue), 16 sont le fait de Bergers Allemands. Sur les 11 décès recensés entre 1984 et 1992, 10 sont le fait de Bergers Allemands (Un décès par morsure en 84, quatre en 89, deux en 91 et trois sur les quatre décès de 92). Heureusement pour ce chien magnifique, la proportion de leur présence sur cette bien triste liste chute largement, jusqu’à se retrouver sur un ratio de 4 sur 24 depuis l’an 2000.
*Quoi que ce rapport ne se base que sur les données des morsures déclarées, il n’en reste pas moins sensé: une morsure de Chihuahua nécessite moins une intervention hospitalière que celle d’un chien de grande taille.
La mode du B.A est passée pour son plus grand bien et – quoi qu’il reste dans le cœur de milliers de passionnés – j’espère, à titre professionnel comme à titre personnel, que la race que je chérie tant (car oui, ces photos de B.A sont celles des miens) vivra des jours meilleurs que ceux de ses premières décennies de succès.
Donc, « chien de famille », comme on l’entend… NON, le B.A n’est pas fait pour cela.
Si pourtant tel est votre choix, choisissez soigneusement l’élevage et les origines de votre futur petit bout, car un chien ressemble à ses parents.
L’expression des patrons-moteurs associés à l’utilité originelle de chaque race de chien, comme leur besoin biologique d’Activité, sont des caractéristiques à forte héritabilité qu’il ne faut pas négliger.
Or on voit souvent des chiens de famille destinés exclusivement à la compagnie, être issus d’une génération de travailleurs ou de sportifs, et ce même dans une lignée beauté.
Si, sur son pedigree, tous les ascendants du petiot ont excellé en Ring ou Mondioring, en RCI, en Campagne… c’est un chien de travail.
Et nous observons que fréquemment dans ces lignées apparaissent à la puberté et de manière « inexpliquées », des désocialisations soudaines, et/ou une augmentation des agressions de distancement.
Chien de travail
- Le chien de berger doit être éveillé, fort attentif, doté d’une certaine capacité d’initiative. On sélectionnera des personnalités intuitives et vives.
- Le chien de défense doit être stable, courageux et déterminé, endurant et obéissant. On sélectionnera des caractères forts, dans l’action.
Tous deux doivent être particulièrement attachés à leur humain comme à leur foyer.
Fortement héréditaires, ces comportements font de notre B.A qui se doit de le rester; un chien sportif, actif et un gardien (=méfiant mais courageux) qui réclame un travail, une utilité dans son groupe social.
C’est un chien intelligent qui a besoin de s’exercer, de mettre à profit ce pour quoi il est fait.
Quelle que soit la discipline que vous lui choisirez, en club ou chez vous avec un privé, votre B.A vous en remerciera. Dépenser son énergie physique autant que ses compétences intellectuelles devra être votre défi quotidien : Berger Allemand demande d’être éduqué, et stimulé tous les jours de sa vie. C’est un chien qui s’investit corps et âme dans la protection de ceux qu’il aime – que vous le coachiez pour cela pour son plus grand bien – ou pas.
Fidèle, attaché, curieux et motivé, il est éternellement en attente de nouveaux défis, qui mettront à l’épreuve sa force et son intelligence.
Aucun d’entre eux ne saurait rester à ne rien faire. L’ami B.A réclame un niveau d’Activité moyen de 3H00 minimum, et avec vous.
Berger allemand, « facile à éduquer »?
Contrairement à l’idée reçue, non, le Berger Allemand n’est pas un chien facile à éduquer.(Normalement) d’une grande intelligence, le B.A est un chien de caractère qui ne demande qu’à être guidé. La confusion vient certainement du fait que Berger Allemand aime se sentir utile au groupe, et qu’il est très attaché aux membres de ce dernier. C’est un chien qui apprécie de voir dans les yeux des siens la fierté briller – et il fera de nombreux efforts pour cela. Mais nos chiens ne viennent pas au monde dans l’idée de nous plaire: ils ont leurs propres désirs, leurs propres motivations.
Pour parvenir à cette entente – à cette cohésion magique (qui n’a en fait rien de magique) – vous devrez vous faire élire; vous devrez mériter votre place de « celui qui sait ». En étant juste et compétent, en respectant votre part du contrat comme le cahier des charges qui vous est confié de manière implicite le jour de l’adoption, votre loulou – votre B.A – vous respectera pour tout ce que vous faites très justement pour l’ensemble de votre groupe. Ainsi, il pourra se montrer participatif, coopératif et compétent. Aucune violence, aucun autoritarisme ni sévérité ne vous sera utile; mais la patience, une bonne connaissance en communication canine, de la rigueur et de bons motivateurs vous ouvriront les portes du cœur de l’ami B.A.
Le B.A et les sports de mordants
Le Berger Allemand fait parti des races autorisées au mordant. Parce qu’il en a les aptitudes naturelles évidentes, il est régulièrement conseillé aux humains de nos amis Bergers Allemands de les accompagner dans la pratique d’un sport de mordant. Les conseilleurs avanceront alors l’argument que c’est un jeu, que nos B.A adorent cela – et ils l’adorent, bien entendu ! Pour autant et après toutes les raisons susmentionnées, en dehors de l’entrainement particulier réservé à un chien qui se verra être destiné à un travail spécifique et encadré, je déconseille au B.A de compagnie de pratiquer un sport de mordant.
C’est justement parce que cela lui plait – qu’il y trouve une satisfaction quelconque – que faire mordre régulièrement votre chien (fort, sans lâcher), le conditionne d’avantage encore à aimer mordre (fort, sans lâcher). Sans vous en apercevoir spécifiquement, vous hypertrophiez un patron-moteur existant en le poussant à s’exprimer de façon plus fréquente et plus intense. Vous fabriquez – ou intensifiez – un besoin, qui ne vous sera pas profitable au quotidien.
Laissez un chien aboyer sur les passants pendant plusieurs années ou juste quelques mois, non seulement sans rien lui dire mais en le motivant de la voix; le jour où vous décidez que ce n’est plus possible car votre voisin vous l’a imposé, Rex lui, ne l’entendra pas de la même oreille. Ou bien encore tout bêtement, câlinez longuement votre chien à chaque retour du travail pendant plusieurs semaines, puis cessez tout. Et dites-moi alors ce qu’il fera. Va t il attendre sagement que vous l’appeliez, ou va t il s’agiter, sauter, en attendant que vous ne lui portiez attention?
Eh bien pour le mordant, les mécanismes sont les mêmes.
Si vous cherchez malgré tout à faire un sport de mordant avec lui, partez pour toute sa vie, de façon extrêmement rigoureuse, et guidé par un professionnel sérieux et compétent, qui motivera votre B.A à mordre sans violence, et sans peur. En effet, l’usage de l’intimidation est prohibée dans cette discipline, et un professionnel honnête et compétent saura vous arrêter si votre chien manifeste des signaux de stress lors de ces séances.
Nous trouverons parmi ces disciplines:
-Le RCI* : pistage, obéissance et défense
-Le CAMPAGNE* : sauts, obéissance, pistage, défense et travail à l’eau ; le tout en milieu naturel
-Le RING * : sauts, obéissance, défense
-Le MONDIORING* : obéissance (appelés assouplissements), sauts, défense
*Toutes ces disciplines obligent le chien à être inscrit au LOF et titulaire du CSAU : Certificat de Socialisation et d’Aptitude au Travail
Le B.A et la santé
Notre B.A est rustique, sportif et solide. Certes.
Mais il est également fort sujet aux dysplasies des coudes et des hanches – je précise que la courbe de son dos n’est en aucun cas un indicateur – comme la majorité des grandes races, et vous vous devrez pour prévenir au mieux ces souffrances vérifier auprès de votre éleveur les dépistages chez les ascendants du chiot que vous convoitez (les mentions DYS- HD- ED- sont inscrites pour cela sur le pédigrée), et très sujet aux problèmes dermatologiques comme de nombreux chiens de race.
B.A des villes, B.A des champs
Parce qu’il est très actif, le Berger Allemand est un chien qui ne s’épanouit que sous réserve d’une Activité quotidienne importante. 3 heures ne sont rien pour un B.A…!
Alors, que vous viviez en campagne mais que vous ne sortiez pas votre chien du jardin, ou que vous viviez en ville et que le temps vous manque, le B.A n’est pas pour vous.
En ville ou en campagne, Nos chers Bergers Allemands ne vous demandent que trois choses : du temps, du temps avec vous et du temps dehors. Point de patron absent 8 heures, et point de patron ne sortant qu’une heure. Autrement, il saura très bien s’adapter à la vie citadine !
« Ne laissez pas votre chien en laisse si vous voulez qu’il vous soit attaché. » Albert Willemetz
Bonne réflexion !
Télécharger le standard de la race ici
A lire : « Pourquoi des fiches races? »
Sources: Rapport d’enquête de l’InVS « Séquelles consécutives aux morsures de chien », enquête multicentrique France, sept-10/déc-11; J.Dehasse « Le Berger Allemand », J.Dehasse « la psychologie du chien »