Pourquoi des « fiches races », ou la vérité sur les caractéristiques d’une race
Une des grandes tragédies du chien (avec le manque d’Activité et les abandons), est très certainement la réputation qu’on lui impute. Il suffit de quelques minutes sur le net pour nous apercevoir, non sans beaucoup de contentement et un peu d’hypocrisie, que quelle que soit la recherche, nous tombons systématiquement sur le discours que nous espérions entendre… et, qu’en bon humain que nous sommes, nous aurons facilement tendance à nous en satisfaire.
Et ce phénomène – si vite rencontré dans ce domaine très empathique qu’est l’adoption – a un nom: le biais de confirmation.
Du biais de confirmation
Le biais de confirmation, c’est cette manière que nous avons de façon plus ou moins inconsciente, de privilégier les discours qui tendent à aller dans le sens que nous lui espérions avoir au départ, tout en négligeant les autres quand bien même nous les aurions entendus, et quand bien même le discours privilégié serait moins vérifié, ou plus improbable.
Le biais de confirmation dans la sélection d’une race de chien comme dans le choix d’un sujet chiot ou adulte, c’est presque la norme. Alors bien sûr, une adoption est affaire d’émotion – pas de science – et c’est très bien comme cela. Pour autant, une acquisition se doit d’être réfléchie, en mettant en lumière et balance les caractéristiques véritables – et non idéalisées – des races qui nous séduisent.Trop de loulous dans les refuges, trop d’abandons chaque année, trop d’acquisitions spontanées basées sur de mauvaises raisons, ou de mauvaises idées.
Je ne reviendrais pas ici sur les explications éthologiques des mythes concernant les caractéristiques de telle ou telle race de chien; je l’ai déjà fait dans cet article. Je tente ici de vous éclairer concernant ce biais – dans un cri du coeur – dont chacun est victime de l’idée même au lecteur, en passant par l’écriture de l’article.
Des a-vis a-veugles
Se renseigner via des ouvrages, via des articles avant de se décider sur le choix d’une race, c’est une excellente démarche. Je vous pousse moi-même à le faire, et mes articles font partis du panel qui vous est proposé sur le net. Pour autant, les fiches races sont peu exposées, en dehors de deux représentants types: les sites très généralisés originellement spécialisés dans le commerce de produits pour les animaux ou d’animaux, et les sites qui se sentent concernés directement par une race en particulier.
Ainsi, que nous nous renseignions sur le Yorkshire, le Cane Corso, l’American Staff, le Labrador, le Dogue Argentin, le Jack Russel et j’en passe; nous n’y trouvons que monts et merveilles, toujours. Les premiers de ces deux protagonistes tablent sur une idéalisation de l’animal de compagnie nécessaire à la rentabilité d’un commerce, et les seconds – sous le charme – tombent eux-même facilement sous la coupe de ce biais de confirmation.
Je lis et entends souvent que « le Labrador ne peut pas mordre ! » ou que « Golden Retriever est dénué d’agressivité », ou bien encore que « le Boxer est l’ami des enfants »… et parfois même tout en même temps !
Lu chez un éleveur au sujet du Golden Retriever : "Dépourvu d’agressivité, il aboie peu. Ce n'est pas gardien. Très doux, sensible, calme, c'est un compagnon très apprécié".
Ces propos sont des inepties, autant qu’ils sont dangereux. Ils insinuent à eux seuls que choisir telle ou telle race met chacun à l’abri de tout comportement dérangeant, et ce sans travail.
Opinions & Conséquences
Car au final, chacun ayant ses préférences et bien souvent pour des raisons morphologiques, nous nous retrouvons alors avec pas loin de 300 races de chiens bon gardiens mais bonnes nourrices, silencieux, jamais agressifs, tolérants, doux et intelligents, dociles et obéissants…. j’en passe, et des meilleures.
Les conséquences de ces écrits s’avèrent parfois anodines, et parfois dramatiques.
La déception, qu’elle soit due à l’absence d’un trait de caractère au mieux, ou à une agression normale mais imprévue au pire, conduit généralement le maître abusé à la consultation au mieux…. et au pire, à l’abandon.
Le rapport d’enquête de l’InVS (institut de Veille Sanitaire) a révélé que statistiquement et selon les données disponibles (morsures déclarées, à l’hôpital généralement), le Labrador tient la 2ème place du podium des chiens les plus mordeurs, avec 9% des morsures. Il suit de très près le Berger Allemand avec ses 10 %… et se trouve très loin au-dessus du Pittbull, qui se trouve à égalité avec les Yorkshires, Épagneuls, Teckels, Husky, Braques et Cockers avec 3% des morsures déclarées.
Or nous sommes d’accord, le Labrador est un chien sympathique et formidable, oui, si nous l’avons aidé à le devenir !
Explications
Certes, le Labrador vit chez nous en grand nombre. Statistiquement il est donc logique qu’il amène un bon pourcentage d’ennuis divers.
Mais au-delà de sa population, à cause de sa réputation de chien docile, patient, amoureux des enfants (etc.), Labrador – et tout ses cousins « dénués d’agressivité » – est censé supporter toutes les péripéties que lui imposent nos bambins sans broncher, et ce sans avoir pris une seconde le temps de l’habituer, de l’écouter et de le respecter pour ce qu’il est : un chien comme un autre qui utilise sa mâchoire lorsqu’il y est contraint.
Tout au long de son développement, serein quand à son devenir grâce à tous ces « on-dits », nous laissons passer nombres de comportements qui nous aurait instantanément alerté chez American Staff, le laissant glisser sur une pente dangereuse sans jamais se soucier des risques : puisque après tout, c’est un Labrador.
Nous ne prenons pas le temps de lui offrir une éducation sérieuse, en termes d’obéissance, de socialisation et de découvertes : il est intelligent et adaptable, c’est un Labrador.
La vérité, c’est qu’à l’heure d’aujourd’hui (et de demain je vous l’affirme), aucuns gènes inscrits « amour pour les enfants » ou autres caractéristiques du genre très alléchantes n’existent dans la caboche de nos chers compagnons.
Bien sûr, une part génétique importante influe sur le caractère et la personnalité de nos petits pères – c’est pourquoi nous nous intéressons aux parents du sujet et au travail pour lequel il fut destiné (voir l’article : « Mythe et réalité sur le choix d’une race, ou comment biologie et activité sont trop souvent oubliés… ») – mais elle ne « fait » pas votre chien, et l’éducation et les expériences que vous lui offrirez (ou pas) pèseront lourd, très lourd, dans la balance.
Sur le même et précédent exemple, la tolérance ou l’appréciation des enfants dépendra exclusivement de son niveau d’habitude et de la qualité des expériences (positives, neutres ou négatives), qu’il aura vécu en leur compagnie, depuis l’âge de deux mois jusqu’à l’âge adulte.
Et ceci… est valable pour toutes les races de chiens. Soyez vigilants. TOUS les chiens sont attachants, TOUS les chiens aiment sortir ou jouer, TOUS les chiens seront merveilleux du moment que vous les aimerez.
Des fiches races « pas marrantes »
Les « fiches races » que je vous propose sont donc basées sur ce qu’il y a de plus impartial. Vous n’y trouverez pas de descriptifs du genre « obéissant » ou « fugueur ». Au mieux, vous pourrez lire (pour contre carrer aux propositions ci-dessus) « adapté aux maîtres débutants », ou « indépendant, avec un grand besoin d’activité ». Un chien indépendant avec un grand besoin biologique d’Activité peut être fugueur si nous ne répondons pas à ses besoins, mais il n’est pas fugueur « par nature ». De même qu’un chien peut avoir des qualités recherchées pour cohabiter avec de jeunes enfants (un fort attachement pour son groupe, une certaine nonchalance, de la patiente etc.); mais il ne sera pas « naturellement » la nourrice des tout petits.
Forcément, vous pourrez après lecture, avoir la sensation de n’y trouver que des défauts. La raison est simple : agréable, sociable, sympathique avec les enfants… tout ceci dépend exclusivement de votre implication.
Par contre, l’énergie, la force de caractère pour lequel la sélection a œuvré, le travail et donc l’intensité de l’expression de tel ou tel patron-moteur* pour lequel on l’a dirigé depuis toujours sont eux, bien présents – de façon plus ou moins marquée mais présents tout de même – dans le patrimoine génétique de votre pépère.
*Voir l’article : « Mythe et réalité sur le choix d’une race, ou comment biologie et activité sont trop souvent oubliés… »
Soyez vigilants. agréable, sociable, sympathique avec les enfants… tout ceci dépend exclusivement de votre implication.
L’objectif?
Que vous soyez en mesure de faire votre choix en fonction d’éléments tangibles, et soyez ainsi prêts à faire face aux difficultés qui vous attendent forcément.
Rien ne vaut d’être averti quant au travail qui nous attend !
Et ce, je l’affirme, pour le bien-être et le respect de la nature de chacun….
Bonne réflexion et Bonne découverte à tous !
Pour ceux qui souhaiteraient y trouver une fiche sur une race précise (de votre choix), mon formulaire de contact (rubrique « Me contacter ») est à votre disposition.